La plupart des victimes, ou même des familles, ne signaleront jamais les abus sexuels commis sur des enfants à une autorité gouvernementale ou à un rapporteur obligatoire.
La recherche sur The Legacy of Childhood Sexual Abuse and Family Adversity (Donna S. Martsolf) suggère que si l'on ne remet pas en question le récit des abus sexuels commis sur des enfants dans un système familial où ils ont eu lieu, la famille risque davantage de recréer une situation dans laquelle un enfant de la génération suivante pourrait également être victime d'abus.
Les programmes de prévention s'appuient (souvent) sur des personnes ou des familles déjà impliquées dans le système, ce qui signifie que nous n'atteignons qu'une petite partie des personnes touchées par les abus sexuels commis sur des enfants. Les programmes éducatifs sensibilisent, mais il est beaucoup plus difficile d'intervenir.
L'un des trois principaux objectifs de notre programme de prévention est de surmonter ce que nous appelons le "facteur de dégoût" : personne ne veut parler de préjudice sexuel, surtout pas en ce qui concerne un enfant. C'est l'un des obstacles les plus puissants à la prévention : notre incapacité à en parler.
Mais nous, les adultes, pouvons, par de petits gestes, faire passer dans l'eau des messages importants sur la prévention des risques pour les enfants, les jeunes et les autres adultes, sans pour autant submerger tout le monde avec trop d'informations à la fois.
De cette manière, nous instaurons une culture dans laquelle il est acceptable de parler des dépassements de limites et des interactions qui nous mettent mal à l'aise, de dire "non" aux attouchements et, surtout, de révéler les préjudices subis, en sachant que nos proches sont prêts à le faire avec nous.
On ne commence pas à commettre des abus sexuels sur des enfants en abusant d'un enfant. Il y a souvent de nombreuses expériences préliminaires qui amènent un délinquant potentiel à commettre des abus sexuels. Les gens se demandent toujours comment quelqu'un peut faire cela à un enfant. Vu dans le vide, c'est difficile à comprendre, mais vu à travers les expériences de vie d'une personne, cela commence à devenir plus compréhensible, même si ce n'est pas acceptable.
De nombreux signes avant-coureurs se manifestent tout au long du parcours, et ce sont autant d'occasions de faire de la prévention. Si nous intervenons avec compassion pendant la phase des signes avant-coureurs, il y a de fortes chances que nous puissions réorienter quelqu'un qui pourrait un jour nuire. Il faut de la perspicacité, de la compréhension et du soutien pour transformer un désir de nuire en un désir de protéger les enfants contre les abus sexuels.
Il est tellement logique de travailler avec ceux qui risquent de causer des dommages et d'empêcher que ces dommages ne se produisent, plutôt que de réagir après coup.
Lorsqu'il n'y a qu'une seule réponse à toute révélation de franchissement de limites ou de préjudice sexuel passé, à savoir appeler les services de protection de l'enfance et saisir le tribunal pénal, nous créons la culture que nous connaissons aujourd'hui. Le préjudice se résume à la possibilité de prouver qu'il s'est produit (ce qui n'est pas facile) et à une punition inégale.
Lorsque nous ne tenons pas compte de la complexité profonde des abus sexuels intrafamiliaux commis sur des enfants et que nous négligeons les nuances de chaque situation, nous créons cette statistique : 88 % des abus sexuels commis sur des enfants ne sont pas signalés aux autorités.
La gestion du long continuum des révélations, depuis les petites interactions qui mettent quelqu'un mal à l'aise jusqu'aux dommages sexuels réels et continus, nécessite un adulte solide et bien ancré. Ce guerrier de la prévention sait que chaque échange doit être traité avec intention et avec un soutien émotionnel approprié. Il veillera à assurer la sécurité sans causer davantage de dommages au cours du processus.